Libération du Trégor

 Libération de Lannion et de Perros-Guirec La chronologie des évènements

     Le commandant Gilbert qui coordonne toutes les opérations a confié au capitaine Maurice (Corentin André) le commandement  des troupes (2 compagnies plus une section) en charge de la zone la plus dangereuse du secteur Nord 1  (Lannion, Trébeurden, Trégastel, Perros-Guirec)

d'après le capitaine Maurice, un groupe incontrôlé de FFI tue 2 Allemands et occupe la mairie. En soirée une colonne venue en représailles du camp de Servel, mitraille les rues en faisant cinq victimes civiles. Les occupants de la mairie sont obligés de fuir rapidement (ils n'ont que très peu d'armes). En fait, c'est l'état major des FFI qui a essayé de s'installer à la mairie. Les FTP ont libérés le Trégor, mais étaient-ils les seuls à pouvoir le faire? 

Après l’accrochage du croas-hent Perros le processus de capitulation s’accélère:

 Les Allemands depuis le terrain d'aviation tirent quelques obus sur le clocher de l'église où un Résistant suit et renseigne les FTP de tous les déplacements de l'ennemi. Malheureusement, il y a 2 morts (René Argentin est tué à Saint Roch en Servel et Charles Nicol est tué à la corderie)

  " Au Croas-hent, l’adjudant Jean Hénaff est grièvement blessé d’une balle en pleine tête. Je (Gilbert) lui rend visite le lendemain à l’hôpital de Lannion, pour m’enquérir de son état et obtenir si possible quelques renseignements, mais Jean est dans le coma. Le docteur Bouroullec, chirurgien de l’hôpital, m'informe que la mort de notre camarade Résistant est imminente."

 Les Allemands gravement blessés sont, grâce au docteur Saliou de Perros-Guirec et avec mon accord, admis à l’hôpital de Lannion. Mais après avoir découvert des armes sous les sièges de l’ambulance, les accompagnants sont arrêtés et l’ambulance est confisquée.

Je reçois ce feldwebel à mon PC, l’Hôtel de la poste à Lannion: La reddition des Allemands est en bonne voie.

 Dans un premier temps, j’envoie sur place le capitaine Maurice (Corentin André) et Frantz Petrei (un déserteur autrichien de la Wermarch, en qui nous avons vraiment confiance) afin que soient définies les conditions de l’opération. Maurice et le commandant allemand tombent d’accord sur le principe. Il reste à définir et à arrêter les modalités d’une reddition acceptable par les deux camps.

   450 hommes sont employés à Perros-Guirec sur le site radar de la colline de Maez- Gouez, parmi eux des spécialistes-radar bien sûr, mais aussi une importante unité de protection équipée d’armes lourdes et légères. Les abords de la zone sont minés.

  Au portail du site de radar nous négocions avec quatre officiers Allemands, quand nous voyons arriver deux jeeps américaines. Les quatre scientifiques américains ( Bennet Archambault, le colonel Bradley, le major Lindstrand et le colonel Stever) viennent étudier l’installation allemande des radars, qu'ils pensaient être libre de tout Allemand. Ils acceptent de nous aider. Avec eux les pourparlers s'engagent plus aisément, ces quatre officiers allemands acceptent de nous conduire et de nous guider jusqu’au poste de commandant de la base. Son accès n’est possible qu’en empruntant des couloirs balisés au travers des bouchons de mines anti-chars sur le pourtour du site et des mines "anti-personnelles" sur la zone de protection immédiate des radars. 

   Une longue discussion s’engage avec le commandant. Nous finissons par le convaincre qu’ils doivent tous se rendre, quand un officier Russe blanc (de l'armée allemande) entre en trombe dans la pièce, il dit qu’il a 150 Russes blancs sous ses ordres. Ces hommes craignent d’être expédiés en union soviétique à l’issue de la guerre. Ils y seraient sévèrement jugés et à coup sûr exécutés. Le capitaine Maurice et Fritz (Frédéric Dreyer) nous rejoignent accompagnés d’un capitaine canadien et d’un GI américain, ils nous donnent davantage de poids pour négocier. 

 Le colonel Bradley certifie par écrit au capitaine, commandant les Russes blancs, que ses hommes et lui-même seront traités comme les autres prisonniers allemands. Cette condition indispensable suffit pour assurer la reddition de l’ensemble des soldats regroupés à Maez Gouez. 

   Après avoir officiellement rendu ses armes et ordonné à ses hommes de le faire, le commandant allemand fait apporter du champagne. Pendant que nous buvons, des soldats allemands déminent le terrain.

   En fin d'après-midi, les prisonniers bien éméchés sont conduits au camp du Cruguil aménagé à la hâte, dernière étape pour eux dans le Trégor, avant de rejoindre le camp des prisonniers allemands de Saint Thégonnec.

 Tout le Trégor est maintenant libéré. Les Lannionnais sont en fête depuis qu'ils ont vu passer les deux premières jeeps américaines, (celle des quatre scientifiques) dans la matinée du 10 août.

"vive les patriotes"


 Il me tient cependant à cœur de signaler que la libération de ce secteur a été précédée par des actions particulièrement néfastes autant qu’inutiles dont les commanditaires avaient inconsciemment occulté la portée… Ces actions entraînèrent d’inévitables représailles qu’il serait injuste d’oublier lorsqu’on évoque la libération de Lannion: Exécution de Cinq civils, tortures, nombreux viols, incendies de maison…

Les victimes civiles: Le 6 juillet 1944: L'employée de l'Hôtel "Le Terminus" est chargée d'envoyer un colis à la Kommandantur. C'est une bombe, elle explose avec. Le 4 août: Trois consommateurs au Croas-Hent, qui regardaient ce qui se passait dans la rue, sont victimes des fusillades allemandes: Guyomard Jean, Kergoat François et Le Marrec Eugène. Le 4 août, Audigou Pierre est victime d'une fusillade allemande en pleine rue.

             Références: “ pour la France”   “ Mémoires de François Tassel” écrit avec Jean Claude Le Guéziec. Le récit est ajusté à l’aide des témoignages du colonel Stever et de Madame Potey et des recoupements avec le récit de Corentin André.

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Reddition de la garnison allemande de Trestel (archives départementales 68J)

reddition de la garnison de Trestel

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 Locquémeau-Saint Michel en Grève.

  Le 6 août, le groupe de "la marseillaise" commandé par Yves Ollivier se rend au bourg de Trédez et place un guetteur dans le clocher. Tout est calme. Il tente une embuscade sur la route Locquémeau- Saint Michel mais les Allemands s'échappent en lançant des grenades qui n'atteignent personne. Après le départ de tous les Allemands, il constate que 12 bateaux de pêche ont été incendiés avant leur intervention.

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La libération du secteur Plouaret le 4 août 1944 fait 13 prisonniers Allemands. Pas de difficulté.

La poursuite des Allemands en fuite par les FFI dans le secteur Plounevez Moëdec - Plounérin- Le Vieux marché fait 110 prisonniers entre le 9 et le 13 août 1944.

La poursuite des Allemands en fuite à Pluzunet, le 9 août, fait 8 prisonniers

réf: Rapport du commandant FFI Branchoux  Archives départementales

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Libération du Trégor: rapport du sous-préfet du 12 août 1944

Libération rapport du sous-préfet

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Autre témoignage de François Tassel publié dans le Ouest France du 11 août 2009  

extrait de l’article:                      

Comment avez-vous vécu la libération de Lannion ?

« En tant que responsable du secteur Nord 1 du département, j'ai dirigé les effectifs de la Résistance, à partir de septembre 1942, pour aboutir à la libération complète de Lannion, le 10 août 1944. Ces effectifs de la Résistance, au nombre de deux compagnies, armées par mes soins après les parachutages d'armes réalisées par les forces alliées à Maël-Pestivien et à Prat, ont permis de libérer la ville. » 


Cela n'a pas dû se dérouler sans heurts ?

« Vous pouvez le dire ! Cette libération a été précédée par trois actions négatives. Tout d'abord, une sentinelle allemande a été abattue sur le pont de Kermaria par un franc-tireur. Ensuite, une bombe destinée à la Kommandantur, a causé la mort, sur le pont Sainte-Anne de la jeune femme qui la convoyait sans savoir de quoi il s'agissait. Une seconde bombe, placée à l'hôtel Terminus (près de la gare de Lannion), a été découverte par les Allemands qui y étaient installés. Ceux-ci ont obligé un otage détenu au camp de Servel à la jeter dans le Léguer. (il y a eu aussi l'assassinat de la sentinelle du pont de Sainte Anne) Ces actions ont entraîné des représailles: Exécutions sommaires de cinq civils, viols, tortures, incendies de maisons, etc.

  Ensuite, nous avons décidé de bloquer les accès de la ville en plaçant deux sections au Kroas-hent Perros. Le 5 août, le verrouillage est complet ; cinquante Allemands venant de Servel sont interceptés au Kroas-hent Perros. L'accrochage, qui a fait des victimes, se termine par le repli des Allemands. Peu de temps après, j'ai le privilège de recevoir la reddition des troupes allemandes. Le 10 août, les 4 premiers Américains dont le scientifique Guy Stever font leur entrée en ville, acclamés par les habitants. Ils contribuent à la reddition des Allemands, regroupés au camp de la Clarté. 

Le lendemain, le 11 août, le gros des troupes américaines entre dans Lannion, dans la liesse populaire. Lannion est libérée, les Lannionnais soulagés. 

 Nous participons à la fête jusqu'à ce qu'on reçoive l’ordre de continuer la lutte pour libérer totalement le secteur.

https://lannion-perros.maville.com/actu/actudet_-Le-Commandant-raconte-la-liberation-de-la-Ville-_loc-1031566_actu.Htm 

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Extrait du cahier de notes de Mme Marguerite Potey habitante de Lannion à cette époque

        Notes reprises à partir du supplément du journal Ouest France n°15087 du 22 juin 1994

5 juillet 1944: “La nuit dernière, à une heure, nous avons été réveillés par les avions”, “bruits de bombardements et de canonnades, pas de précision, nous sommes coupés de Brest”

7 juillet: “Hier à 17h, avant le couvre feu, explosion formidable près de l’hôtel de France. On a appris ce matin que le tenancier d’un café de la gare avait chargé une jeune femme de 30 ans d’aller déposer une bombe à la kommandantur mais, en cours de route, la bombe a explosé. La personne a été entièrement déchiquetée”. Ce matin, une autre bombe a été découverte dans un autre café. Les occupants ont demandé à un prisonnier qui devait être fusillé de prendre la bombe et de la jeter dans la rivière. Il a réussi et a été libéré. Les Allemands ont tiré plusieurs coups de feu sur la bombe. Aux environs, les carreaux ont été brisés, une vingtaine chez nous.”

21 juillet: À 6h30 du soir, un soldat russe a été tué par un inconnu, près de chez moi dans l’allée du tribunal, vers Buzulzo. Aussitôt, fusillades, grenades, bombes incendiaires. Sept maisons ont brûlé. Le conservateur des hypothèques a reçu une balle dans la jambe. Au centre ville, la teinturerie Charreau, l’épicerie en gros Howaër, “ Le Printemps” ont été dévastés avec les grenades et les bombes soufflantes.”

3 août: “ Cette nuit, branle-bas général. Nos occupants s’aperçoivent que le torchon brûle, ils plient bagages.”

4 août: “Nous étions heureux ce matin en revenant de la messe du 1er vendredi du mois d’apprendre que les Américains étaient à Saint Brieuc. Chacun de sortir le cher drapeau tricolore relégué au grenier et de faire l’achat d’un drapeau américain. Rues et places pleines de monde, cris de joie, les patriotes arrivent. La sentinelle russe du pont de St Anne a été désarmée (le jeune soldat de 20 ans a reçu une balle dans la tête d’après le récit de corentin André), un autre prisonnier est emmené à la mairie. Des autos allemandes filent vers Morlaix, fusillades sur la foule, des blessés, un mort: Pierre Audigou. Jusqu’à 20h, bataille entre Russes (blancs enrôlés dans la Wermarch) et patriotes. Les balles ricochent sur les murs de nos vieilles maisons.” (représailles dues à l'attaque de deux Allemands ce même jour)

 5 août: “Lannion est aux mains des patriotes. Les Américains ont quitté Saint Brieuc et vont vers Brest. Notre délivrance approche nous dit en chaire notre bon curé.”

7 août: “ Heureusement que nous avons les patriotes. L’officier qui commandait les Russes s’est rendu. Le maire a fait pavoiser."

11 août: Vive les patriotes. Ils ont ouvert la porte de notre ville aux Américains reçus à bras ouverts. Le comité de la Résistance leur a offert le champagne. Un officier US a offert une boîte de cigares. L'après-midi, les Américains ont distribué aux enfants biscuits et chocolats. Ils embrassent les jeunes filles, signent sur un bout de ruban tricolore. Les noirs sont chaudement acclamés.

12 août: Ce matin après la grand-messe, les cloches ont sonné à toute volée pour le “te deum” auquel assistaient toutes les autorités civiles et religieuses.

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600 prisonniers allemands dans le camp provisoire du Cruguil 

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Témoignage du colonel Stever    François Tassel raconte: "60 ans après, j'ai renoué le contact avec un de ces scientifiques américains: Le Colonel Guyford Stever"

Lisez ci-dessous son compte rendu de mission du 24 août 1944. Traduction du rapport de mission faite par Vincent Rivoire. Le colonel relate son chaleureux accueil dans le Trégor et sa rencontre avec trois officiers FFI qui négociaient, sous le drapeau blanc, la reddition des troupes  allemandes avec quatre de leurs officiers. Il y avait le commandant Gilbert (François Tassel), Le capitaine Jacques ( jacques Cabillic) et le lieutenant Julot (Louis Querrec).

Témoignage du colonel Stever

René Argentin 35 ans tué à Saint Roch, 

Jean Hénaff 22 ans blessé  au Croas-Hent, Yves Jouannet 18 ans tué à Trestel le 14 août Charles Nicol 23 ans tué près de la Corderie

Photo d'un panneau de l'ANACR de Plestin les grèves

Des jeunes fêtent la libération du Trégor près du terrain d'aviation à Servel. Ce canon allemand a été récupéré le 5 août après l'attaque du Croas-hent Perros

 (Photo collection Yann Le Bonniec)

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Le débarquement des approvisionnements des alliés à Saint Michel en Grève

A partir du 11 août 1944, des "Landings ships", parties de Portland en Angleterre, viennent s'échouer sur la lieue de Grève pour assurer un soutient logistique en vivres, en carburant et en armement à l'armée du général Paton qui file vers Brest.

Un LST, bateau de débarquement de plus de 100m de long, échoué sur la plage de St Michel en Grève. photo Brian Mac Dermott  copiée sur  "La Bretagne libérée" du Télégramme édité en 2004  Code 9782848330915

Photo Martin Blumenson           http://www.ww2-derniersecret.com/Bretagne/22.html

photo prise sur la place du centre à Lannion en 1944 par un soldat américain, Claxton Ray,  publié dans le Trégor du 13 mai 2017 

photo: Archives Anacr Plestin les Grèves 

Après la libération de Pluzunet, le capitaine Yves Ollivier parle à la population.photo: Archives Anacr Plestin les Grèves
Après la libération du Yaudet photo: Archives Anacr Plestin les Grèves